Nicolas 29 ans. Petit normand d’origine, j’ai vécu une petite dizaine d’années à Paris qui a coïncidé avec le retour de l’électro en clubs, l’évolution des soirées twstd à la concrète. Je n’étais pas du tout dans cette sphère là jusqu’à mes 21/22 ans, j’écoutais surtout beaucoup de rock indépendant UK et je suis fan inconditionnel des Cure. Je peux passer des semaines sans sortir mais je digg dans les limbes de YouTube systématiquement tous les jours. On dit de moi que je suis easy peasy. D’autres diront que je suis un hurluberlue. Accessoirement je suis aussi Dj depuis 5/6 ans maintenant et mes plus beaux souvenirs jusqu’à aujourd’hui sont clairement deux dates où j’ai joué. Une où j’ai clos le peripate au nouvel an 2015 (ou 2016 me souviens plus), l’autre ou j’ai ouvert la scène du camion bazar pour l’alter paname. Géographiquement je suis à Lisbonne depuis mars de cette année et je vis ma meilleure vie Pourquoi es tu partis vivre à Lisbonne? Ça avait l’air de bien commencer à marcher pour toi.
Un ras le bol de la société française globalement et une mauvaise gestion de la teuf. J’étais à un stade où ce n’était plus pour m’amuser mais pour fuir quelques démons du passé. Avec le recul je me rends compte que c’était la meilleure chose à faire si je voulais conserver un peu d’estime et que les gens gardent de bonnes vibes de ma personne. Concernant la France, je ne m’y suis jamais senti a ma place. Que ce soit au travail ou dans la culture en elle même. Je ne pensais pas que c’était possible, peut être ai-je manqué de maturité à un certain point. Toujours est il que depuis 7 mois que je suis à Lisbonne, je me sens enfin dans ce qu’on pourrait considérer »chez moi ». De même vis a vis de mon homosexualité, je ne me sentais pas du tout inclus dans cette communauté là, très peu »hors milieu », j’étais très triste de la représentation des gays dans les médias par exemple où je trouvais ça injuste que des petits gars passe-partout, ben ça n’existe pas, qu’on ne représente que bien souvent les gays qu’aux gays prides, très stéréotypé. À titre perso, j’estime que ma sexualité n’a pas à définir mon lifestyle. Et ça je l’ai ici au Portugal. A contrario j’avais l’impression d’être un outsider en France. On ajoutera en plus le sursaut d’attaque homophobe. Pour résumé cette question, disons que c’est un tout globale.
Un des fondateurs de Diggearth que je côtoyais sur les groupes chineurs m’a faits connaître le groupe. À ce moment là j’habitais encore en France mais je suivais déjà les publications.
Quelle est la situation de la musique électronique à Lisbonne ?
Lors de mon arrivée en mars dernier, j’ai eu très peur de tomber dans une ville bercée dans la tech house made in Miami avec les mecs bodybuildés et les filles toutes gringalettes. Quand on ne connaît pas, en effet on va tomber sur Le Kremlin par exemple, très cool mais only tech house. En diggant un peu, on se rend compte que Lisbonne a plusieurs axes. 1. La minimale techno et house : à mon sens la scène la plus riche et florissante. Il y a plusieurs crews et pas moins d’une grosse dizaine de DJs qui sont des selectors incroyables vraiment. Je suis époustouflé. Je pense au 5A club notamment qui ne programme que les DJs locaux en mode minimal où l’entrée est même gratuite ! 2. Les crews itinérants : Il y’en a à la pelle mais les plus imposants sont Fuse Records et LxMusic. Des super prods avec de très bons guests. On notera de plus petits crews aussi comme Disque Disse, Ar Livre, Discoing, des crews majoritairement estivaux puisque pour ceux-ci, tout se fait en open air. 3. Les soirées un peu plus shlags/alternatives/arty : Ela, des teuffes itinérantes dans des lieux jamais annoncés sur facebook car illégaux. Mina et Kit Ket qui eux sont des crews lgbts hetero friendly ambiance comme a la péripate à Paris. Enfin, comment ne pourrais-je pas parler de ce qu’on appelle »sound of lisbon » : En France on appellera ça de l’afro house mais c’est plus riche que ça. Un mélange de sonorités maghrébines, brésilienne, africaine subsaharienne notamment liés aux anciennes colonies. Pour en avoir un bon exemple il suffit d’aller aux Out Jazz les dimanches tout l’été : Évent gratuit avec de 18h à minuit, ce son si spécifique. Je recommande grandement. on ne peut pas passer par ici sans s’y intéresser un peu, c’est l’identité même de toutes les communautés électrophile, capverdienne, brésilienne.
Les portugais sortent beaucoup ?
Le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils ne passent pas beaucoup de temps chez eux. Ici il y a peu de studios ou de T2, chacun vit dans des »quartos » (chambre) et les prix des restaurants et bars étant pires que bas, tout le monde se retrouve dans la padaria du coin pour boire un café a 50cts même à 23h.
Et en soirée ?
Idem mais je ne me suis jamais senti étouffé par la foule et ce, même lors d’un guest prisé. De même qu’on ne m’a jamais refusé l’entrée pour cause de clubs bondés.
Raconte nous une anecdote croustillante en soirée.
Ben, faut savoir un truc, c’est qu’une fois l’étape des physios passés, on est très très libre en club ici. Ça m’est déjà arrivé plusieurs fois de littéralement me »perdre » avec des garçons dans les toilettes. À tel point qu’une fois, des amis d’ici voulaient presque aller voir la police pour signaler une disparition alors que j’ai seulement suivi le gars, de soirée en soirée jusqu’au surlendemain
Quels sont tes spots préférés, tes valeurs sûres pour passer une sacrée soirée dans ta ville?
Ah ça c’est mon petit chemin de croix habituel lors de mon weekend en roue libre (car oui, boulot à responsabilités donc je m’autorise à sortir qu’un seul weekend / mois). L’étape 1 : le sentio proibido de la rua atalaya dans le bairro alto. C’est l’amigo ce mec, il te fait des vases d’1L de cocktail pour 5 euros et après tu vas t’asseoir dans un petit renfoncement sur un canapé avec les ressorts qui sortent du tissu. Ça ne paie pas de mine mais j’adore commencer ma soirée là-bas pour se raconter les potins avec les copains. Ensuite plus haut dans la même rue, on continue sur A Capella, le meilleur bar du bairro. DJ full vynil avec deux grosses enceintes dans un décor calfeutré. Très vite blindé mais remplit de gens cools. Cocktails à 3 euros hypers bons. En remontant plus haut on arrive sur le 5A Club (le club que j’ai mentionné plus haut). Entrée gratuite, grosse vibe micro house. 4 heures du matin fermeture. On commande un Uber et go Harbour Music Shelter, club pas glauque et meilleur after de la capitale. Mon endroit préféré ces temps-ci. Idem en termes de musique: les meilleurs des DJs lisboetes mode minimal légèrement tech house mais vraiment très très quali. Ensuite ben il est 10 heures du matin. L’heure de se poser le long de l’estuaire du Tage et de se rendre compte que finalement, la vie n’est franchement pas vilaine par ici.
Le collectif local à suivre?
Ela, sans hésitation. L’itinérance, les lieux illégaux. Une fois on s’est retrouvée à 200/300 personnes le long de l’océan à 30min de Lisbonne. Moyenne d’âge autour de 25/35 ans, peu de photos et vidéos des soirées. Grande liberté d’être, et les gens sont des plus mignons. Les djs résidents sont très bons.